La réglementation

 

J.D. de Grammont
Caricature du général et député JACQUES DELMAS DE GRAMMONT.
 
Célèbre pour avoir fait voter par l'Assemblée Nationale Législative le 2 juillet 1850, une loi concernant la protection des animaux, qui porte son nom. Il est aussi le fondateur de la Ligue Française de protection du  cheval. Cependant, il a présidé les premières corridas de Bayonne aux cotés de l'Impératrice Eugénie.

La météo

 
Si el tiempo no lo impide
Comme tous les spectacles se déroulant en plein air, le déroulement de la corrida dépend pour partie de la météo. La pluie en soi n'est pas gênante ; seule une pluie trop violente, transformant la piste en océan de boue, peut empêcher la corrida d'avoir lieu. Les habitués de Bilbao connaissent d'ailleurs le crachin habituel de la capitale de la Biscaye ; quant aux habitués d'Arles, il se rappellent sans doute de ce cinquième taureau d'El Sierro combattu par Roberto Domínguez au début des années 90, sous un véritable déluge.
Le vent est beaucoup plus gênant : faisant s'agiter intempestivement capotes et muletas, il peut rendre difficile voire quasiment impossible le déroulement normal de la corrida. Quand le vent reste modéré, les matadors alourdissent le bas de la muleta : ils l'aspergent d'eau puis le laissent traîner sur le sable.
En Espagne, la mention « si el tiempo no lo impide » (« si le temps ne l'empêche pas ») figure généralement sur les affiches. Le développement des arènes couvertes - notamment Saragosse partiellement couverte, Saint Sébastien et Logroño totalement fermées - rendra peut-être un jour inutile cette mention.


Con el permiso de las autoridades


Où que ce soit, la corrida répond à une réglementation stricte. En Espagne, la mention « Con el permiso de las autoridades » (« avec la permission des autorités ») figure d'ailleurs sur les affiches.


En Espagne


Avant 1917, il n'existe aucune véritable règlementation de la corrida, chaque ville, chaque arène a ses propres règles coutumières. En fait, ces règles sont très proches les unes des autres, les arènes andalouses imitant généralement les pratiques en vigueur à Séville, les autres imitant généralement les pratiques en vigueur à Madrid, Madrid et Séville s'inspirant mutuellement.
Une loi de 1917 crée un règlement unique pour toute l'Espagne. En 1962, ce règlement est entièrement refondu. En 1991, la loi Corcuera (du nom du ministre de l'intérieur) refond à nouveau le règlement.
Le développement de l'autonomie des communautés autonomes leur a transféré notamment la règlementation en matière de tauromachie. En fait, dans presque toutes les communautés, la loi Corcuera reste en vigueur, seule l'Andalousie ayant, depuis le 1er avril 2006, un règlement particulier mais ne différant de la loi Corcuera que sur des points de détail.


En France

La loi Grammont

Jusqu'à la fin du XIXème siècle, selon certains, la loi du 2 juillet 1850 dite Loi Grammont condamnant les sévices aux animaux, était applicable aux courses de taureaux ; selon d'autres, elle ne l'était pas. Les tribunaux et les préfets ont eu pendant longtemps des opinions diverses sur le sujet. Certains préfets les interdisaient, d'autres les autorisaient ; organisateurs et matadors n'étaient pas systématiquement poursuivis devant le tribunal ; quand ils étaient poursuivis, parfois ils étaient punis d'une lourde amende, parfois ils étaient relaxés. Il suffisait de changer de préfet ou qu'un magistrat change de tribunal pour que la pratique change radicalement. On a vu pendant cette période des corridas organisées un peu partout en France ; il y en a même eu au Havre et à Roubaix.
Au début du XXème siècle, la Cour de cassation a jugé une bonne fois pour toutes que la loi Grammont s'appliquait aux corridas. Dès lors, la pratique s'est établie d'une manière étonnante:
Dans certaines zones, il y avait fort peu de volonté d'organiser des corridas. Quand par hasard, quelqu'un voulait en organiser une, le préfet l'interdisait systématiquement et l'interdiction était respectée. Et si, par extraordinaire, la corrida avait quand même lieu, organisateurs et matadors se retrouvaient devant le tribunal correctionnel qui les condamnait à une amende. Dans ces lieux, la corrida a totalement disparu, sans jamais avoir pu s'implanter réellement.
Dans d'autres zones, nombre de corridas étaient organisées et les préfets ne les interdisaient quasiment jamais ; quand par hasard il venait au préfet l'idée de l'interdire, la corrida avait presque toujours lieu malgré l'interdiction ; le plus souvent, personne n'assignait les contrevenants devant le tribunal ; quand il y avait procès, les coupables étaient condamnés à des peines symboliques. Dans ces endroits, la corrida a donc continué d'exister malgré la loi Grammont.

Le ministre de la Justice pouvait évidemment exiger des parquets qu'ils poursuivent systématiquement, qu'ils demandent lors du procès une peine « exemplaire ». Mais rappelons que, si les procureurs sont sous les ordres du ministre de la Justice, les juges sont indépendants.
Pour mettre fin à cette situation ambiguë, le législateur a donc adopté une position pragmatique :
Lorsque les courses de taureaux n'existent en vertu d'aucune tradition locale, que leur organisation ne vise pas à satisfaire les goûts d'une large partie de la population pour ces spectacles, ne s'agissant que d'opérations financières montées par d'habiles commerçants qui spéculent sur la mode et sur l'attrait de la nouveauté, elles continuent d'être interdites.
Lorsque les courses de taureaux existent en vertu de traditions locales, que leur organisation répond à une demande d'une large partie de la population locale qui y a goût, alors elles sont expressément autorisées.

Zone taurine et zone anti corrida


En 1951, un alinéa a été ajouté à la loi Grammont : « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu'une tradition ininterrompue peut être invoquée. » Cet alinéa a été complété en 1959 : la tradition doit être« locale et ininterrompue ».
La loi reste vague concernant les lieux où la corrida est devenue légale : « lorsqu'une tradition locale... », et non : « dans les départements dans lesquels une tradition locale... » ou « dans les communes dans lesquelles une tradition locale... » ; ou encore : « dans les départements de X, Y, Z... » ou « dans les communes de x, y, z...».
Si des corridas ne sont organisées que dans des lieux dans lesquels personne ne conteste l'existence d'une « tradition locale ininterrompue », cette absence de toute contestation est la démonstration qu'elles sont toutes organisées à l'intérieur des
« frontières».
Si des corridas sont organisées dans des lieux dans lesquels une contestation s'élève, le tribunal sera chargé de définir, au cas par cas, si on se trouve en deçà ou au-delà de la « frontière », permettant progressivement de délimiter celle-ci.
Dans ce fameux troisième alinéa, le terme « local » est sujet à interprétation : selon les opposants aux corridas, ce terme renverrait à « localité », donc à « commune ». La corrida serait donc légale uniquement dans les communes dans lesquelles une tradition peut être invoquée.
Nombre de procès ont été intentés à des organisateurs de corridas, le premier au Grau-du-Roi (Gard). Les tribunaux ont jugé que le terme « local » renvoie à un « lieu », non à une circonscription administrative déterminée, rien ne permettant d'ailleurs de dire si cette circonscription administrative doit être la commune ou le département, le canton ou l'arrondissement. Ils ont donc jugé que le « lieu » était un « ensemble démographique » ayant une communauté d'histoire, de coutumes, de mode de vie dont les limites ne coïncident pas avec des limites administratives. Toute commune se trouvant à l'intérieur de cet « ensemble démographique » peut donc se prévaloir de l'existence de la « tradition », quand bien même, sur son territoire, aucune corrida n'aurait jamais été organisée.
Le terme « ininterrompu » est lui aussi est sujet à interprétation : la durée de l'interruption nécessaire pour qu'on ne puisse plus considérer la tradition comme ininterrompu est sujet à polémique.
À Bordeaux et alentours, des corridas ont été organisées de manière régulière jusqu'en 1962. La vétusté des arènes bordelaise ayant contraint le préfet d'y interdire l'organisation de spectacles, il n'y a donc plus eu de corridas en région bordelaise. En 1988, la ville de Floirac, limitrophe de Bordeaux a organisé des corridas. La cour d'appel de Bordeaux a jugé que la non organisation de corridas pendant une durée aussi longue soit-elle, ne suffisait pas à elle seule à « interrompre » la tradition, lorsque cette absence d'organisation est due à un fait extérieur. Selon cette jurisprudence, pour « interrompre» la tradition il faut :
soit qu'une évolution des mœurs, de la manière de vivre, etc., entraîne la désaffection de la population locale vis-à-vis de la corrida, de sorte que ces spectacles cessent d'être organisés ;
soit que l'absence d'organisation de corridas entraîne une évolution des mœurs, de la manière de vivre, etc., de la population locale, qui finit par avoir pour conséquence la désaffection de la population locale vis-à-vis de ce spectacle.
Depuis, des arrêts de la Cour d'appel de Toulouse (3 avril 2000) et de la Cour de cassation (7 février 2006) sont venus confirmer cette jurisprudence.

Le règlement de l'Union des villes taurines françaises

En France, la seule réglementation existant à propos de la corrida l'interdit par principe et ne l'autorise que par exception. Aucune loi analogue à la loi Corcuera n'existe. Certaines associations réclament la création d'une « Fédération française de corrida » à l'image des fédérations sportives. Il semble peu vraisemblable qu'une telle fédération puisse voir le jour. Toute réglementation écrite ne peut donc qu'être d'origine municipale.
Durant longtemps, on a en France, appliqué coutumièrement le règlement espagnol. En 1972, l'Union des villes taurines françaises (UVTF) a établi un règlement très largement inspiré du règlement espagnol et invité ses membres à le rendre obligatoire sur leur territoire, par arrêté municipal. Toutes ne l'ont pas fait, mais dans ces communes, ainsi que dans les communes taurines qui ne sont pas membres de l'UVTF, ce règlement est appliqué coutumièrement. On peut lire à peu près tous les livres en français consacrés à la corrida, ainsi que les revues taurines, les pages taurines des quotidiens régionaux : tous font référence à cette application.


Au Portugal


Au Portugal, la mise à mort en public est interdite en pratique depuis le milieu du XVIIIeme siècle, et a été formellement et définitivement interdite par une loi de 1928, sous le régime du dictateur Salazar. Malgré l'interdiction, elle a continué d'être pratiquée dans quelques communes, notamment à Barrancos, village de l'Alentejo proche de la frontière espagnole. Une loi de 2000 a autorisé les mises à mort en public dans les communes dans lesquelles elles continuaient d'être pratiquées.